Basilique Notre-Dame-de-la-Garde

La basilique est visible de partout, perchée là-haut sur la colline de la Garde. Aimée, voire vénérée de tous les marseillais, même ceux qui ne sont pas forcément catholiques, la basilique de Notre-Dame-de-la-Garde, la Bonne Mère, est le principal monument marseillais, son image de marque. C’est ici que l’on vient pour demander quelque chose à la Vierge, qui intercède en notre faveur auprès de Dieu. De bonnes notes au Bac, un mariage heureux, un voyage sans problème, un enfant… brûler un cierge à Notre-Dame-de-la-Garde est une tradition profondément enracinée dans le cœur des marseillais depuis des siècles.

 

C’était il y a huit siècles. 800 ans qu’un prêtre, maître Pierre, a eu l’idée d’installer une petite chapelle sur ce qui n’était alors qu’une colline, la colline de la Garde. Cette colline, la plus haute à proximité du Vieux-Port (150 m d’altitude), a été un poste d’observation pratiquement depuis que Marseille existe. Il semblerait que la colline était très utilisée pendant la période romaine, que ce soit bien sûr en tant que lieu de vigie mais aussi en tant qu’amer. Un amer est une spécificité géographique de la côte permettant aux navigateurs de se repérer.

 

Le poète Lucain, dans sa Pharsale, raconte que César, après sa victoire sur Pompée et ses alliés massaliotes, fit construire un camp sur la colline devenue aujourd’hui de « la Garde », pour surveiller la ville. Le nom de « Garde » ne serait donc pas dû au hasard ! Ce qui est sûr, c’est que ce nom est présent dès le Xème siècle sur les registres de l’abbaye de Saint-Victor. Avant ce camp romain, la colline était peut-être couverte d’un bois sacré, rasé par la construction du fort romain. Un cimetière était installé sur la partie inférieure de la colline, où on a découvert de nombreuses tombes grecques et romaines, corroborant cet éventuel bois sacré. Il existe aujourd’hui sur le flanc de la colline une « rue du bois sacré », qui verdit à nouveau depuis un siècle. Un endroit si proche de la ville, si visible, attire forcément le respect. D’en haut, on observe tout, d’en haut, tout le monde nous voit.

Il semble naturel de croire que depuis des temps immémoriaux on puisse y vouer un culte, au vu du caractère sacré de la colline. Un premier lieu de culte y fut établi par les Phéniciens, dédié au dieu Melkart. Leurs successeurs, les grecs de Phocée, y auraient établi ensuite un temple dédié à Artémis. Finalement, César, en plus du camp, y aurait installé un temple dédié à Cérès ou Vesta. Pour la petite histoire, Cérès était la déesse de la fertilité, de l’agriculture, et était souvent confondue avec Bona Dea… la « Bonne Déesse », ce qui nous rappelle évidemment l’actuelle « Bonne Mère ».

Le poste de vigie de la colline de la Garde, la « Tour » (ou « Turris Beatae Mariae de Gardîai » dans les archives du XIVème siècle) permettait de prévenir la ville en cas d’attaque maritime. Même si la vigie ne pouvait empêcher une attaque de pirates, de barbares ou de Sarrazins, elle pouvait au moins prévenir les marseillais, le temps de se mettre aux abris. Cette fonction, à la fois pour voir et pour être vu va durer pendant des siècles. On ne connait pas la date de construction de cette tour, peut-être phare, mais ce qui est sûr, c’est qu’on parle d’elle au XIVème siècle. Peut-être était-ce tout simplement le clocher de la chapelle ? Vers l’an 1300, La Garde faisait partie du réseau de phares de la côte marseillaise, fonction qui se confirme sur un document de 1597.

 

La chapelle de la Garde

En 1214, l’endroit était la possession de la grande et puissante Abbaye de Saint-Victor, toute proche. La colline était alors un peu à l’écart de la ville, qui se trouvait alors surtout de l’autre côté du Vieux-Port, et était couvert de vignes et d’oliviers. C’est par la simple volonté de « Maître Pierre », un prêtre des Accoules, que cette année la première chapelle de Notre-Dame-de-la-Garde sera construite. Très vite, la chapelle recevra des donations, surtout de pêcheurs et de marins, remerciant La Vierge à qui la chapelle était consacrée de les avoir sauvés d’un naufrage. Il faut dire que lorsqu’ils étaient en mer, la chapelle devait sûrement être le seul monument sacré qu’ils voyaient !

Deux siècles plus tard, en 1423, la chapelle fut détruite lors du sac de Marseille par les troupes du roi d’Aragon. Il faudra attendre l’année 1477 pour que la nouvelle chapelle soit terminée, après les travaux du roi René d’Anjou. Désormais, agrandie, elle sera dédiée à Saint Gabriel. Même après cette reconstruction, la chapelle sera toujours trop petite, pouvant contenir tout au plus une soixantaine de personnes. Le succès de la chapelle ne se dément pas, avec toujours plus de pèlerins, et toujours plus de dons. Les marins rescapés d’un naufrage, allaient autrefois déposer leurs ex-voto à l’église de Saint-Etienne où se trouve aujourd’hui Notre-Dame-du-Mont. Cette église de Saint-Etienne ayant été démolie en 1588, les marins se reportèrent dès lors à Notre-Dame-de-la-Garde, pour remercier la protection de la Vierge. A l’époque comme aujourd’hui, on venait à Notre-Dame-de-la-Garde pour demander la protection de la Vierge, avant un départ à Saint-Jacques-de-Compostelle par exemple.

 

 

Marseille était à l’époque de François Ier une ville vulnérable. Elle manquait cruellement d’un véritable fort, qui puisse assurer la défense de la ville. Les forts Saint-Jean et Saint-Nicolas n’existaient pas encore, la défense se limitant aux nouvelles murailles et à la « tour du roi René », venus en remplacement de l’ancienne tour Maubert, en ruines. Ce nouveau dispositif, édifié par René d’Anjou à partir de 1447 montre bien le souvenir du sac de Marseille en 1423, encore bien présent dans les esprits.

François Ier, roi de France, mais aussi Comte de Provence, fut le premier roi de France à visiter Notre-Dame-de-la-Garde, en 1516. Il put constater la dévotion populaire, il put constater les failles défensives de la ville. Quelques années plus tard, en 1524, Marseille doit lutter contre le connétable de Bourbon, un allié du grand rival de François Ier, Charles Quint. C’est ce même connétable qui fut le responsable du sac de Rome en 1527, où il mourut, mais retarda considérablement les travaux de la nouvelle basilique Saint-Pierre-de-Rome

La rivalité de plus en plus grande entre François Ier et Charles Quint poussa le roi à construire de nouvelles défenses, et à détruire tout ce qui pouvait abriter l’ennemi. Le Couvent des Frères Mineurs, en ruines depuis le sac de 1424, sera définitivement détruit. Avec ses pierres, on construira le nouveau Fort vers 1525 sur la colline de la Garde, à la suite des attaques du connétable de Bourbon. Dans le même temps, le château d’If est également construit. La chapelle est alors encore une fois modifiée et insérée au sein de ce nouveau fort tout juste terminé lorsqu’il dut résister vaillamment aux assauts de Charles Quint en 1536. Le fort connaîtra une histoire mouvementée pendant les guerres de religion qui désolèrent Marseille, et toute la France, avec les différentes factions luttant pour le contrôle de cet important dispositif défensif.

 

La chapelle prendra peu à peu le pas sur le fort. En 1834, le ministre de la guerre autorise l’utilisation de trois pièces contigües du fort pour agrandir la chapelle, décidemment trop petite. Utilisé comme d’une base pour la construction de la nouvelle basilique dans les années 1850, il subsiste encore aujourd’hui du fort original de François Ier l’éperon royal et l’écusson du roi, que l’on peut voir au-dessus d’une porte. Les trois quarts des murs originaux existent encore, mais sont incorporés dans les édifices modernes : le hall d’accueil, le magasin, le restaurant…

 

Ce n’est qu’en 1941 que le diocèse récupéra définitivement l’ensemble de Notre-Dame-de-la-Garde, grâce à un échange : le diocèse donnait une maison de deux étages et recevait le terrain de la basilique. L’armée quitte alors définitivement le fort, mais les allemands réoccupent les casernes de la colline l’année suivante. Le 25 août 1944, le sanctuaire est libéré par… des musulmans, le 7ème régiment de tirailleurs Algériens. On peut encore voir aujourd’hui sur les murs de l’église les traces des tirs allemands contre les algériens qui occupaient depuis le 25 août l’endroit.

La Révolution Française

En 1793, comme beaucoup d’autres biens ecclésiastiques, Notre-Dame-de-la-Garde est désaffectée. . En 1794, le clocher est démoli, les cloches et la statue en argent de la Vierge furent détruites. La statue en bois de la Vierge, qui était là depuis pratiquement la fondation de la chapelle, un objet de vénération pour les marins, disparu également. C’est grâce à un ancien capitaine de Navire, Joseph-Elie Escaramagne, que les dégâts révolutionnaires seront limités. Escaramagne, fidèle croyant et dévot de la Vierge, décide de louer la chapelle à l’Etat révolutionnaire, puis d’offrir une nouvelle statue de la Vierge, qu’il acheta aux enchères. On imagine facilement ce que devait ressentir Escaramagne, lorsqu’il devait observer impuissant ce que les folies révolutionnaires firent au patrimoine de Marseille… Ce n’est qu’en 1807 que la chapelle est rendue au culte et le clocher reconstruit. Il faut dire que la chapelle était toujours insérée au sein d’un fort militaire, d’où les évidentes difficultés pour la rendre au culte.

 

Basilique de Notre-Dame-de-la-Garde

Au XIXème siècle, la ferveur populaire envers la Bonne Mère est de plus en plus forte. Même avec l’agrandissement de la chapelle aux dépends du fort en 1834, même avec la construction d’un nouveau clocher en 1843 pour accueillir un nouveau bourdon, la chapelle est toujours trop petite. C’est un des pères Oblats, le père Bernard, qui réussit à convaincre l’évêque Mgr de Mazenod ainsi que les militaires, de l’urgence de la construction d’une église plus digne de l’amour des marseillais envers leur vénérable Bonne Mère. Il était toujours question à ce moment de construire la nouvelle basilique au sein du fort existant.

 

En 1849, le premier projet est présenté, et l’autorisation de construire est donnée en 1852, l’année où la première pierre de la Major est posée. On peut désormais appeler à la générosité des fidèles afin de réunir les fonds nécessaires à l’édification de la nouvelle église. La Cathédrale de la Major et Notre-Dame-de-la-Garde sont intimement liées : leurs constructions sont quasiment contemporaines, et leurs styles similaires. Marseille était alors dans une période de croissance phénoménale, sa population ayant doublé en une vingtaine d’année. Avec une telle croissance démographique, une ville a de nouveaux besoins, dont des lieux de culte.

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